Ce week-end, et plus précisément dimanche dernier, s'est tenu à Saran dans le Loiret un rassemblement assez exceptionnel de véhicules américains de tous âges. De la vieille Chevrolet 1930 au Dodge Ram 1500 flambant neuf, c'étaient près de 300 voitures qui étaient réunies pour nous livrer ce que l'Amérique sait faire en matière de véhicules à deux et quatre roues, voire plus, compte tenu de la présence d'un gros camion.

Le ton est donné dès l'arrivée. C'est dans ses conditions comme ça qu'on se rend compte combien l'automobile américaine fait dans la démesure. Pas besoin de voir tous les véhicules pour les remarquer, rien que la sonorités des moteurs vaut le détour. C'est une symphonie pour 8 cylindres en V en piston majeur. Que je sache la plupart des moteurs dans ces voitures ne devait rien compter de moins de 5 litres de cylindrée. Même la berline la plus anodine -notion toute relative quand on parle d'américaines- est équipée de ces fameux V8 au bruit si caractéristique. Le son de combustion interne frôle parfois celui de la plomberie tant ce ... bruit de gurgle se fait présent. Sur certaines ce ne sont même plus des cylindres mais des gamelles tellement le bruit est impressionnant. Des Corvette se sont presque livré à un récital pour pistons pendant qu'elles manoeuvraient pour se garer entre les arbres. Trois moteurs V8 gonflés qui prennent en même temps des tours, ça laisse un certain souvenir.

Certains modèles sont restaurés à l'état neuf, et ce n'est pas qu'une vue de l'esprit. Peinture impeccable, chromes étincelants, sellerie parfaite, mais aussi compartiments moteurs, roues, pneus, c'était briqué, lustré ... Parfait. D'autres étaient un peu moins propres, mais c'était pour mieux coller au style Redneck ou Mad Max de certains propriétaires.

La difficulté de l'exercice pour le passionné d'automobile que je suis mais néanmoins presque totalement ignare pour les modèles sortis outre-Atlantique fut d'identifier correctement chaque véhicule, et ce n'était pas facile. J'ai donc du tenir un carnet où j'ai noté le modèle correspondant à chaque plaque d'immatriculation vu combien j'étais démuni face à cette pléthore de châssis inconnus.

Voici donc la sélection que j'ai faite parmi la centaine de photos que j'ai prises. Le soleil tapait très fort et ne permettait pas vraiment des expositions optimales. La compression JPEG n'a pas aidé non plus.





Cadillac Bel Air restaurée admirablement. Le conducteur lui avait mis un cache-nez à l'avant pour en protéger les chromes. Mon père m'a dit que ses parents en avaient eu une à la ferme dans les années 50, qui a vraisemblablement fini à la casse comme bon nombre de ses congénères ...





Cadillac 1947 dont j'ai oublié de noter le nom du modèle, honte à moi. Il doit sans doute s'agir d'un des modèles les mieux restaurés présents sur le site parce que son état est remarquable. Aucune imprefection, elle est plus neuve que si elle sortait d'usine !



Une magnifique Chevrolet Camaro 1979 dans sa livrée "Violet One Again" du plus bel effet !



Une rareté, la Continental Mk. IV. Elle pose des questions certaines d'esthétique ... On la coirait sortie tout droit de Dallas, et pourtant, elle roule ! Admirez l'intérieur "Square Touch" du plus bel effet !



Une corvette tunée ! Si si, il est possible de faire une surenchère dans l'exubérance en rajoutant un kit de carrosserie à une corvette déjà fort imposante. Si visuellement ce n'est sans doute pas un des modèles qui m'a le plus attiré, je dois dire que la sonorité était une des plus impressionnante, jusqu'à ce qu'une paire de Dodge Viper GTS-R lui vole la vedette. Mais avec un V10, est-ce valable ...






Est-il besoin de présenter cette célebrissime Corvette ? ...



Regardez la magnifique Cadillac Eldorado Coupé DeVille que voilà, dans sa livrée "menthe à l'eau" ... Parmi la profusion d'Eldorado présente il a fallu faire un choix, surtout que bien des variations (la Sedan notamment) étaient présentes.



Le taxi à rallonge Dixie ! Et ça tombe bien parce que je n'ai aucune idée de la marque ni du modèle de cet engin délirant



Alors celui-là je suis trop fan. Le Ford F-100, c'est le bon gros "truck" américain, complètement kitsch. Il est juste en beaucoup trop bon état pour qu'on puisse rencontrer le même sur une route du Texas. Là aussi, V8 à essence, refroidi de manière totalement insuffisante comme la plupart de ses compères à huit pattes. Pour contrer la chaleur, son propriétaire a habilement glissé entre la grille chromée et le radiateur une paire de ventilateurs de ... Citroën CX ! Tout fout le camp. C'est toutefois à cause de la chaleur que seules très peu de voitures ont pris part à la petite balade dans les rues d'Orléans.



Autre fourgon Ford, autre époque. Je verrais bien Colt Seavers au volant !



La quintessence de l'American Look, la Chevrolet Impala '57 ! Difficile de faire plus ... américain ! Ailerons à la batman, proportions improbables, profusion de chromes, démesure omniprésente. Bref, tout y est, et il faut croire que les américains aimaient ça. Autres temps, autres moeurs. Chose cocasse, j'ai découvert il y a peu que sur les Prelinger Archives se trouvait des films où l'on voyait la genèse de ce modèle, où l'on voit comment à l'époque on créait ces oeuvres d'art inoubliables. Planche à dessin, acrylique, puis maquettes en argile sur structure de bois. D'ailleurs, un journaliste de la presse automobile rétro m'a appris qu'à l'époque les designers ne travaillaient individuellement que sur de petites portions du véhicules, à charge pour le concepteur en chef d'assembler les meilleurs morceaux pour en faire une voiture définitive. Cela explique en partie pourquoi ces voitures ont cette ligne si ... particulière !



La limousine de The Mask ! Est-ce que c'est par provocation que Lincoln a baptisé ce modèle Towncar ? Mystère, toujours-est-il que j'ai vu le conducteur faire des manoeuvres, et c'est assez impressionnant. L'intérieur semble malgré le standing affiché assez dépouillé, et je n'échangerai pas deux barils de Towncar contre un baril de Mercedes S. Oui oui, question de goût





Mon coup de coeur du rassemblement, cette superbe Ford Mustang dans un état impeccable.



Plymouth Barracuda et son moteur "340 four barrel" et son vert verdissime !



Et enfin, last but not least, les deux véhicules avec lesquels nous nous sommes rendus à l'événement. Alors non, ce ne sont pas les miennes, et la photo n'a pas été prise au rassemblement, vu que j'en avais tellement de ces deux là ! Ce sont deux Ford Edsel Citation de 1958, des modèles rarissimes compte-tenu de la carrière éphémère du modèle qui à l'époque fut un échec commercial. Presque cinquante ans plus tard, c'est en revanche un régal. Chacune est mue par un énorme V8 de 6,8 litres de cylindrée et développant près de 350 chevaux. L'Edsel est en soi un véhicule rare, mais la rouge, c'est la rareté parmi les raretés, vu qu'il n'existe en Europe que 3 Edsel cabriolet. Celle-ci est au demeurant dans un état de restauration exceptionnel et a même reçu une récompense au rassemblement. Ce n'est pas volé.

À ce sujet, il faut savoir que l'heureux propriétaire de ces deux véhicules ne pouvant emmener seul ses deux voitures, il m'a fait l'honneur de conduire l'une des deux. J'ai donc pris le volant de la blanche. Au volant de ce mastodonte, vous oubliez tous vos repères connus en matière automobile.

Imaginez-vous au volant d'une bête de plus de cinq mètres de long -juste un peu plus grand qu'une Twingo-, deux mètres de large, avec un volant de camion mais fin comme un barreau, une direction avec quand même un peu de jeu, une pédale de frein en marbre et un accélérateur en ciment. La suspension est confortable au possible mais réagit de façon inattendue. La transmission automatique à trois rapports et avec commande par boutons au centre du moyeu du volant permet d'emmener doucement la voiture malgré le bruit tonitruant du V8 qui avale les litres de carburant aussi vite que défile le paysage. Quand je dis "oubliez vos repères" cela signifie donc qu'il faut réapprendre à freiner. Ce n'est pas que l'auto ne freine pas, c'est qu'elle freine en vous laissant clairement comprendre ce que signifie le mot "inertie". Le retour dans mon Audi a été quelque peu étrange vu que je louvoyais malgré l'absence de jeu dans la direction et la pédale de frein nettement plus douce.

Le baptême du bitume fut d'ailleurs d'autant plus intéressant qu'il a fallu passer dans des rues congestionnées par des voitures en stationnement et où il a fallu que je me fasse guider pour extraire la bête dans des manoeuvres à 3 centimètres près. Cela dit, et heureusement pour mon portefeuille, pas une seule éraflure à déplorer malgré le gabarit d'autocar. La direction assistée ne rassure qu'à moitié dans ces cas là !


Autrement, je retire de cette journée un excellent souvenir, avec une ambiance unique, des carrosseries incroyables, des moteurs rutilants, et surtout, j'imagine, des centaines de litres de carburant avalées sans vergognes par tous ces carburateurs yankees. En repartant, j'ai même cru que ma bouteille d'eau avait comme un goût d'huile, mais je me faisais des idées