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bunee Écrit le : 20/04/2009 14:43


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QUOTE(PoP @ 04/12/2008 18:39)
Houla mais déjà que lire m'es fatiguant, alors écrire des news sur un blog... ^^
*



MDR

ça va, on s'en remet tongue.gif
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bunee Écrit le : 20/04/2009 14:40


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haaaaaaaaan !!!

wahaha.gif

FĂ©licitations !!!
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bunee Écrit le : 08/02/2009 19:37


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@Kylleuse: jette un coup d'oeil Ă  tes mp smile.gif
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bunee Écrit le : 25/11/2008 12:33


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Très chouette compte rendu (même si j'ai pas accès aux images au taff, lol) , ça donne envie d'y aller faire un tour (sauf que ... en été ^^)
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bunee Écrit le : 25/11/2008 12:30


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Bonjour tout le monde !

Je joue les revenantes (non sans peine, ne serait-ce que pour retrouver mes identifiants) pour vous signaler une super initiative de Mme charlotte: une carte localisant les auteurs de blogs à tendance littéraire (sauf erreur ça marche aussi pour la BD). Du coup pour que ce soit un minimum représentatif de la blogosphère dédiée à la littérature, il faudrait qu'on soit un peu plus nombreux dessus (on est juste une cinquantaine, là).

Puis je me sens un peu seule en poitou charentes .... happy.gif

Si vous êtes concerné et intéressé, n'hésitez pas à vous signaler ici !!
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bunee Écrit le : 20/09/2006 12:36


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Murakami RyĂ» -- Bleu presque transparent

titre original -- Kagirinaku tĂ´mei ni chikai burĂ»
roman traduit du japonais par Guy Morel et Georges Belmont
Picquier poche
ISBN 2-87730-296-2

Bleu presque transparent est le premier roman de Murakami Ryû, né en 1952. Il a reçu en 1976 le prix Akutagawa, le Goncourt japonais.
(selon la postface)

J'avais été prévenue par des lecteurs de Miso Soup et des Bébés de la consigne automatique : l'auteur met mal à l'aise, son écriture crue et dure imprègne le lecteur d'une impression de malaise.

Il est d'ailleurs à préciser que Bleu presque transparent a été adapté au cinéma dans "Tokyo décadence", un film assez trash, flirtant entre Erotisme et délire malsain (cf. imdb)

Personnellement, l'écriture m'a beaucoup fait penser au Retour à Brooklyn d'Hubert Jr Selby ou à Push, de Sapphir (Sans que Bleu... ne parvienne à être aussi trash que ce dernier. Sachant que Push, contrairement à Bleu ... et à Retour, est très mal écrit mais c'est fait exprès)

Plutôt que de roman, je pense qu'on devrait parler de chroniques. C'est ici un ensemble d'épisodes, qui se succèdent dans la vie de Ryû, Kei, Okinawa (et autres éphémères se brûlant les ailes avec science et constance).

Ces jeunes personnages, dans un décalage total avec la société encartonnée japonaise de l'époque, alternent épisodes d'orgie, d'ivresses diverses, de trips dangereux, altermoiements sentimentaux qui rappellent que malgré leur acharnement à s'autodétruire, ils gardent foncièrement une âme fragile et enfantine.

Alcool, drogues (du LSD à la mescaline en passant par l'héroïne -- je vous épargnerai les digressions sur Hoffman et Huxley), sexe et rock'n'roll (en gros) composent l'univers de cette jeunesse décadente, qui n'a rien d'autre à faire que de se perdre dans les brumes de ses propres mensonges.

Fuite effrénée en avant - On patauge dans le sordide tout en regardant les lumières - mais on frôle la complaisance.

Ambivalence de l'écriture qui, malgré la laideur poisseuse de tout ce qui environne les personnages, garde une une tendresse, une fraîcheur presque poëtique.
A noter qu'on peut s'interroger sur la dimension autobiographique du roman, notamment au regard de la lettre Ă  Lily qui clĂ´t l'oeuvre.

On sort de ce livre comme on sort d'un bad trip, presque nauséeux et content de pouvoir trouver un peu d'air frais.
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bunee Écrit le : 18/09/2006 12:22


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Isaac Babel -- La cavalerie rouge suivi de Journal de 1920

Titres originaux: Konarmia et Dnievnik 1920
Le premier traduit du russe par Irène Markowicz et Cécile Térouanne,
le second par Wladimir Berelowitch
ISBN: 2-7427-0999-1
Actes sud -- Babel



Livre à ce point fascinant, profond et marquant qu'il a inspiré à Ipoustéguy ses Guerres du milieu.

Carole Ksiazenicer-Matheron met brillament cette oeuvre en perspective avec celle d'un contemporain de Babel, ayant vécu la même guerre: Victor Chklovski, qui a d'ailleurs intitulé Voyage sentimental le récit de son périple de 1917.

Selon Carole Ksiazenicer (précitée):
QUOTE
Les récits de Cavalerie rouge écrits par Babel à partir de son expérience de correspondant de l’agence de presse soviétique lors de la guerre polono-bolchévique en été et en automne 1920 se caractérisent par un détour par l’imaginaire géographique, parcours initiatique d’un paysage bouleversé et signifiant, ouvert au déchiffrement et à une mise en fiction opérant le lien entre l’espace et le moi écrivant.


C'est effectivement une narration travaillée à l'extrème décrivant la guerre des confins, entremêlant dimension esthétique de l'histoire et mortelles apories (préc.)

La libération passe par le massacre, conflit entre l'identité communautaire (juive) du narrateur et son identité politique.

1920: les soviétiques sont dans une longue croisade rouge vers la Pologne et l'Ukraïne encore blanches et lancent vers l'Ouest des hordes de cosaques, plus ou moins ensauvagées (selon l'expression de Babel).

Parmi ceux-ci, la cavalerie, menée à un rythme effréné par Boudionny (ou Boudienny -- autrement appelé le Murat rouge) contre Dénikine , et au sein de laquelle est affecté Isaac Babel.

Cavalerie rouge réunit 36 récits inspirés d'épisodes vécus, tandis que Journal de 1920 reprend, de façon beaucoup plus elliptique et brutale, la campagne ayant eu lieu de juin à septembre 1920.

Voyage absurde, halluciné et effarant au coeur des massacres et des pillages, souffrances des hommes et des chevaux, errances entre les paradoxes, l'écriture de Babel est à la fois violente et poétique (sur les spécificités poëtiques du langage de Babel, voir cet article), son champ lexical tourne autour de la mort et du sang.

Tout est rouge et oppressant autour de lui -- lui, perdu dans la tourmente carnassière.

On oscille souvent entre le cauchemard et la réalité (flou des limites entre le sommeil et l'éveil).

La biographie de Babel nous révèle un destin tout aussi tourmenté:
tout d'abord communiste engagé et protégé par Gorki, il sera ensuite, comme beaucoup d'autres, désavoué (Boudienny, par la suite, évoquera un mensonge à propos des écrits de Babel), écarté du régime puis arrété et exécuté au bout d'un procès d'une trentaine de minutes.
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bunee Écrit le : 28/08/2006 13:29


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(C'est effroyablement sinistre ceci dit)
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bunee Écrit le : 24/08/2006 13:04


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Paul Auster – Le diable par la queue suivi de Pourquoi écrire ?
Traduit de l’américain par Christine Le Bœuf
1996
Actes Sud – Babel
Titres originaux : Hand to Mouth – Why write ?
ISBN 2-7427-2277-7

Si Paul Auster est désormais un écrivain reconnu et réputé, comme vous pouvez le constater au vu des nombreuses biographies qui lui sont consacrées (voir notamment celle du Wiki, d'Evene, et de ce site sédié), et à son œuvre prolixe, il n’en a pas toujours été ainsi.

En effet, l’écrivain a souvent une place peu rémunératrice : Beaucoup aspirent à la gloire et à la reconnaissance de leur époque, et au final assez peu l’obtiennent du seul fait de leur talents (et après quels efforts !!)

Il existe une sorte d’équation (terme récurrent dans le livre) que met en forme Dominique Eril:
QUOTE
Comment être écrivain tout en sachant que ce n'est pas un métier, que bien peu ont le privilège d'en vivre correctement et qu'un tel choix pour la vie ne correspond en rien à une «décision de carrière?


Bien plus, comme l’écrit très justement Valéry Hugotte,
QUOTE
la question de l'argent traverse l'ensemble de l'oeuvre de Paul Auster. Ainsi, L'Invention de la solitude et La Musique du hasard présentaient, sur un mode autobiographique puis romanesque, une réflexion sur l'héritage. De même, le récent Smoke, le film réalisé avec Wayne Wang, était parcouru par les thèmes du don et de la dette : Auster s'interrogeait, à travers le tableau du microcosme constitué par un quartier de Brooklyn, sur une Amérique qui, soumise aux lois du marché, renonce à ses valeurs ¬ incarnées dans Brooklyn Boogie par le fantôme d'un joueur de base-ball... Dans Le Diable par la queue, le romancier reprend la question traditionnelle des rapports entre l'argent et la création, cette question que résume plaisamment l'ironique conclusion : «Et voilà comment on écrit des livres pour faire de l'argent. Voilà comment on se vend». Cependant, le romancier le précise d'emblée, il ne s'agit pas que de cela : «l'argent, bien entendu, n'est jamais seulement l'argent».


Le diable par la queue est une savoureuse (?) expression, qui en dit long sur l’œuvre qu’elle désigne.

D’après Pierre, du projet Babel, citant Charles ROZAN dans ses Petites ignorances de la conversation (P. Ducrocq, 1881),

QUOTE
Tirer le diable par la queue, c'est se procurer péniblement le nécessaire pour vivre, c'est être réduit aux expédients. On a prétendu qu'il s'agissait "du diable d'argent que tout le monde voudrait attirer à soi", mais cette explication laisse beaucoup à désirer. Nous préférons prendre le diable plus au sérieux et le considérer ici comme une image représentant toutes les choses auxquelles on n'a recours qu'à la dernière extrémité, et qu'on s'estime encore heureux de trouver, d'obtenir même par la prière, quand on n'a plus d'autre moyen d'échapper à une situation misérable. Le mont-de-piété, par exemple, c'est le diable, et lorsque nous lui portons notre linge en le priant de nous prêter de l'argent à gros intérêts, nous tirons le diable par la queue. Pour expliquer l'image, on peut se figurer un homme qui, à bout de ressources et ne sachant plus à qui s'adresser, finit par recourir à l'assistance de ce diable, dont il avait d'abord refusé le secours. Le diable à son tour fait le difficile, il se souvient des rebuffades qu'il a essuyées, il tourne le dos à celui qui l'a d'abord méprisé, - et c'est alors qu'il faut, pour le ramener, le tirer par la queue. Les jeunes gens qui ont escompté leur avenir à de ruineuses conditions ont plus d'une fois ramené ainsi par le pan de l'habit cette monstruosité sociale qu'on appelle un usurier, et ils savent par expérience ce que veut dire : Tirer le diable par la queue.


D’autres explications étymologiques sont également données sur le Wiktionnaire, malheureusement incomplet. Si le sujet vous intéresse il y a, ailleurs, D'autres discussions.

Bref, revenons en à notre écrivain impécunieux.

Difficiles relations avec l’argent entre autres dues à l’impossibilité chronique de se résoudre à occuper un emploi, ne serait-ce qu’alimentaire, autre que celui d’écrivain.

Ecrivain sinon rien (ou pas grand-chose), quitte à devoir espérer d’improbables miracles et trésors (Des sacs d’or, Cf. l’épisode épique voire burlesque du jeu de cartes) afin de reculer l’échéance.

Dèche chronique flirtant avec le désespoir, expédients multiples, aventures et mésaventures diverses et variées (allant par exemple des bateaux aux traductions pour le femme fantasque d’un homme d’affaire russe), poursuite effrénée dans laquelle Certains lecteurs se reconnaissent au point de s’envisager auteurs possibles du même type de récit.


Ce qui est diabolique, c’est que le personnage ne change que très tardivement de conception à cause (ou grâce) aux coups de pouces qui, façon rebondissements, tombent in extremis du ciel aux instants limite (des bourses attribuées ou un petit boulot providentiel dégoté juste au moment ou il risque d’être à la rue)

Tout ceci sur le ton d’une narration presque souriante et amusée – une sorte d’introspection dépourvue d’analyse (CF. Valéry Hugotte préc.). Sur le même ton, dans « Pourquoi écrire » Paul Auster nous offre de petites anecdotes, à la fois tendres et enjouées, qui ont chacune contribué (celles-ci relatant le vécu de l’auteur) à l’orientation de l’écrivain vers cette carrière.

Pour vous mettre l’eau à la bouche, vous pouvez trouver un un (long) extrait disponible sur le site de l'éditeur.


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bunee Écrit le : 23/08/2006 10:33


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STIG Dagerman

Automne allemand
– titre original Tysk Höst

Babel
Actes Sud – ISBN 2-7427-5149-1
Traduit du suédois par Philippe Bouquet

La préface du traducteur donne vite un aperçu de qui était l’auteur:

QUOTE
Ce voyage au bout de l’angoisse a été écrit par un jeune homme de vingt trois ans, un journaliste et écrivain suédois dont toute la production littéraire fut concentrée en l’espace de cinq ans, un Rimbaud du Nord (mis à part le fait qu’il n’écrivit guère qu’en prose) qui choisit lui aussi de se taire, avant de disparaître de sa propre main à l’âge de trente et un ans.


Pour découvrir plus avant ce Jérôme Bosch littéraire, auteur d’œuvres majeures comme L’île des condamnés ou encore comme Le Serpent, dont les nuances passent du répertoire de Kafka à celui de Cioran, vous pouvez vous attarder sur ces quelques pages :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stig_Dagerman
http://cabanel.jennifer.free.fr/reserve_2/stig_dagerman.doc
(Pour ceux qui liraient le suédois : http://www.dagerman.se/ ).

En 1946, tandis que l’Allemagne est un immense champ de cendres encore fumante, Stig Dagerman se rend sur les ruines du pays afin d’élaborer plusieurs reportages, dont la compilation sera effectuée dans cette œuvre.
Nicolas20san, dans sa critique sur l’Enfant brûlé (http://critiques-ordinaires.ouvaton.org/article.php3?id_article=420 ), décrit d’ailleurs assez bien le contexte dans lequel Automne allemand a été écrit :

QUOTE
Considéré rétrospectivement comme le véritable porte-parole de sa génération, flirtant politiquement avec des idéaux libertaires qu’il savait au demeurant peu crédibles quant à leur réalisation, Dagerman vivra très mal le positionnement ambigü de son pays dans le conflit armé ravageant toute l’Europe, cette hypocrite neutralité, ce lâche non-engagement, absolument incompatible avec ses aspirations existentialistes prônant la responsabilité et l’action.
C’est d’ailleurs cette inertie révoltante qui le poussera à participer à sa manière au grand désastre en se rendant sur le terrain de l’Allemagne dévastée, se mêlant à la population hagarde, encore sous le choc au sortir d’un apocalyptique cauchemar, rapportant au final un carnet de chroniques à la fois désabusées et pétries de colère, et paraissant sous le titre Automne allemand. Tout au long de sa courte vie, il traînera comme un boulet ce sentiment de culpabilité, comparable à celui du témoin impuissant accusé de non-assistance à personnes en danger
.

La noirceur de la plume est fascinante et effectivement le lecteur ressent au fil des pages une sourde angoisse, celle des caves humides et de la misère, du froid brumeux des matins d’automne.

Ce moment où l’Allemagne, immense plaie béante, oscille entre quête d’identité, amertume et désespoir, où les réponses des puissances occupantes semblent se perdre dans l’absurdité d’une dénazification de mascarade.
Au-delà d’un plaidoyer pour la compassion à la souffrance d’un peuple qui a faim et qui a froid, pour ce qui deviendra non pas une nouvelle Génération Perdue au sens littéraire du terme (http://www.ditl.info/arttest/art15206.php), mais plutôt une génération sacrifiée par le silence de ses anciens.

Allemagne, année Zéro, pour reprendre l’expression de Christophe Mercier dans sa critique sur Après-guerre , De Gert Ledig.
(http://www.lefigaro.fr/litteraire/20060413.LIT000000219_allemagne_annee_zero.html)

J’ai vraiment aimé cette lecture, non seulement pour son aspect documentaire, mais surtout pour sa densité, ténébreuse et vibrante.

Extrait disponible sur le site de l’éditeur
(http://www.actes-sud.fr/extrait.php?codeud=AS1132)

QUOTE
A l’automne 1946, les feuilles d’automne tombèrent pour la troisième fois depuis le célèbre discours de Churchill sur l’imminence de la chute des feuilles. C’était un automne triste, humide et froid, avec des crises de la faim dans la Ruhr et de la faim sans crises dans le reste de l’ancien Troisième Reich. Pendant tout l’automne des trains arrivèrent, amenant dans les zones occidentales des réfugiés venant de l’Est. Affamés, déguenillés, regardés de travers, ils se bousculaient dans les abris sombres et fétides des gares ou bien dans les immenses blockhaus sans fenêtres, semblables à des gazomètres carrés, qui se dressent comme d’imposants monuments élevés en l’honneur de la défaite dans les villes rasées de l’Allemagne. Malgré leur mutisme et leur soumission passive, ces hommes sans importance, d’un certain point de vue, donnaient à cet automne allemand un caractère sombre et amer. Ils prenaient de l’importance par le simple fait qu’ils arrivaient, qu’ils ne cessaient d’arriver et qu’ils arrivaient en foule. Ils prenaient peut-être de l’importance non pas malgré leur mutisme mais à cause de celui-ci, car rien de ce qui est exprimé ne peut paraître aussi chargé de menace que ce qui ne l’est pas. Leur présence était à la fois exécrée et bienvenue : exécrée parce que ces nouveaux arrivants n’apportaient rien d’autre que leur faim et leur soif, bienvenue parce qu’ils alimentaient des soupçons que l’on ne demandait pas mieux que de nourrir, une méfiance que l’on ne demandait pas mieux que d’éprouver et un désespoir auquel on ne demandait pas mieux que d’être en proie.

D’ailleurs, quel est celui qui, ayant lui-même vécu cet automne allemand, peut affirmer que cette méfiance n’était pas fondée et que ce désespoir n’était pas de mise ? Il n’est nullement exagéré de soutenir que ces flots jamais taris de réfugiés, qui noyaient la plaine allemande depuis le cours inférieur du Rhin et de l’Elbe jusqu’aux hauts plateaux balayés par le vent de la région de Munich, constituaient l’un des événements majeurs de la politique intérieure de ce pays sans politique intérieure. La pluie qui recouvrait le fond des caves de la région de la Ruhr de plus de cinquante centimètres d’eau constituait un autre événement de politique intérieure, d’importance à peu près égale.

(On se réveille, à supposer que l’on ait dormi, transi de froid sur un lit sans couverture, on marche avec de l’eau au-dessus des chevilles jusqu’au poêle et l’on essaye de faire du feu avec les branches vertes d’un arbre abattu par les bombardements. Derrière vous, quelque part dans l’eau, un enfant tousse d’une toux d’adulte tuberculeux. Si l’on finit par réussir à faire prendre le feu dans ce poêle – que l’on a sauvé de l’anéantissement, au péril de sa propre vie, dans les décombres d’un immeuble sous lesquels son propriétaire est enterré depuis un an ou deux – la fumée envahit la cave et ceux qui toussaient toussent encore un peu plus. Sur le poêle se trouve une marmite avec de l’eau – de l’eau, il y en a – et l’on se penche sur l’eau qui recouvre le fond de la cave pour ramasser quelques pommes de terre qui gisent sur ce sol invisible. Celui qui se tient ainsi, debout dans l’eau froide jusqu’aux chevilles, met ces pommes de terre dans la marmite et attend qu’elles veuillent bien être mangeables, bien qu’elles aient été gelées avant que l’on réussisse à mettre la main dessus.

Les médecins qui parlent aux journalistes étrangers des pratiques culinaires de ces familles disent que ce qu’elles font cuire dans ces marmites est indescriptible. En fait ce n’est pas indescriptible, pas plus que n’est indescriptible leur mode de vie en général. La viande sans nom qu’elles réussissent d’une façon ou d’une autre à se procurer et les légumes sales qu’elles ont trouvés Dieu sait où ne sont pas indescriptibles, ils sont absolument écœurants ; mais ce qui est écœurant n’est pas indescriptible, c’est tout simplement écœurant. On peut réfuter de la même façon l’objection selon laquelle les souffrances endurées par les enfants dans ces bassins souterrains seraient indescriptibles. Si on le veut, il est parfaitement possible de les décrire : on peut les décrire en disant que l’homme qui se tient dans l’eau, près du poêle, abandonne tout simplement celui-ci à son triste sort, se dirige vers le lit où se trouvent les trois enfants qui toussent et leur ordonne de partir immédiatement à l’école. Dans cette cave règnent le froid, l’humidité et la fumée ; les enfants, qui ont dormi tout habillés, traversent l’eau qui monte presque jusqu’en haut de la tige de leurs chaussures éculées, longent le couloir plongé dans l’obscurité où dorment des gens, montent l’escalier plongé dans l’obscurité où dorment des gens et sortent dans l’automne allemand, froid et humide, de l’extérieur. L’école ne commencera que dans deux heures et les instituteurs parlent aux visiteurs étrangers de la cruauté des parents qui jettent leurs enfants à la rue. Mais on peut ne pas être d’accord avec ces instituteurs quant à ce qui pourrait être le contraire de la cruauté, en l’occurrence. Au temps des nazis, il était de bon ton de dire que le bourreau faisait preuve de pitié en frappant vite, ou bien en frappant d’une main sûre. Les parents de ces enfants font preuve de pitié en les chassant de l’eau qui règne à l’intérieur vers la pluie qui tombe à l’extérieur et de l’air humide et froid de la cave vers la grisaille de la rue.

Naturellement, ils ne vont pas à l’école ; d’une part parce que l’école n’est pas ouverte, d’autre part parce que l’expression “aller à l’école” n’est alors qu’un euphémisme du genre de ceux que la misère impose en foule à ceux qui doivent parler sa langue. Ils sortent pour voler ou pour essayer de se procurer quelque chose de mangeable en employant la technique du vol, ou une technique plus innocente s’il en existe une. On pourrait décrire la promenade “indescriptible” de ces trois enfants jusqu’au moment où l’école ouvre vraiment et ensuite donner une série d’images “indescriptibles” de leurs occupations sur le banc de l’école : des tableaux d’ardoise cloués aux fenêtres pour empêcher le froid d’entrer mais qui empêchent en même temps la lumière d’entrer de sorte qu’il faut allumer pendant toute la journée une lampe si faible qu’elle permet à grand peine de lire le texte que l’on doit recopier, ou encore la vue que l’on a depuis la cour de l’école et qui est constituée sur trois côtés de tas de ruines de modèle international de trois mètres de haut, ruines qui font en même temps fonction de toilettes scolaires.
En même temps, il serait à propos de décrire les occupations “indescriptibles” au moyen desquelles ceux qui sont restés chez eux, dans l’eau, remplissent leurs journées ou bien les sentiments “indescriptibles” qui envahissent la mère de trois enfants affamés lorsque ceux-ci lui demandent pourquoi elle ne se maquille pas comme Mme Schultze pour se faire donner du chocolat, des conserves et des cigarettes par les soldats alliés. Et la bonne foi et le délabrement moral sont tous deux si “indescriptibles” dans cette cave pleine d’eau que la mère répond que même les soldats d’une armée de libération ne sont pas charitables au point d’accepter un corps sale, exténué et déjà vieillissant alors que la ville est pleine de corps plus jeunes, plus forts et plus propres.)
Sans aucun doute, cette cave était l’un des événements de première importance de la politique intérieure de cet automne. Un événement analogue était constitué par l’herbe, les buissons et les mousses qui poussaient sur les tas de ruines de Düsseldorf et de Hambourg, par exemple (c’est la troisième année de suite que M. Schumann longe les ruines du pâté de maisons voisin du sien en se rendant à son travail à la banque et, chaque jour, il se dispute avec sa femme et ses camarades de travail sur le point de savoir si cette verdure représente une amélioration ou une circonstance aggravante). Le visage blanc de gens qui habitaient dans des abris pour la quatrième année et faisaient incontestablement penser à des poissons qui viennent respirer à la surface de l’eau, ainsi que le visage scandaleusement rouge de certaines jeunes filles qui, quelques fois par mois, se voyaient gratifier de gâteaux au chocolat, d’une boîte de Chesterfield, de stylos ou de savons, étaient deux autres faits faciles à constater qui marquaient de leur empreinte cet automne allemand, tout comme ils avaient auparavant marqué l’hiver, le printemps et l’été allemands précédents – bien que dans une mesure moindre, puisque la situation s’aggravait constamment du fait de l’afflux des réfugiés de l’Est.

Les énumérations ont certes toujours quelque chose de lugubre, surtout si ce sont des choses lugubres que l’on énumère, mais dans certains cas particuliers elles peuvent se révéler nécessaires. Si l’on veut se hasarder à commenter l’atmosphère d’amertume envers les alliés, mêlée de mépris de soi-même, d’apathie et de tendances marquées à des comparaisons au désavantage du présent, qui constituait l’impression dominante du visiteur en cet automne lugubre, il convient de garder présente à l’esprit toute une série d’événements et d’états physiques. Il est important de se rappeler que ces expressions de mécontentement, et même de méfiance, envers le bon vouloir des démocraties triomphantes n’étaient pas proférées dans le vide ni de derrière la rampe d’un théâtre idéologique, mais bien dans des caves tout à fait authentiques d’Essen, de Hambourg ou de Francfort-sur-le-Main. Pour compléter l’image automnale de cette famille dans sa cave pleine d’eau, il convient en effet de ne pas oublier d’ajouter un journaliste qui, s’avançant prudemment en équilibre sur quelques planches elles-mêmes en équilibre, vient interviewer ses membres sur leurs opinions quant à la toute récente démocratie allemande, les interroge sur leurs espoirs et leurs illusions – et surtout leur demande s’ils vivaient mieux sous Hitler. La réponse que le visiteur recueille sur ce point l’amène à sortir à reculons de cette pièce nauséabonde, après une courbette de colère, de dégoût et de mépris, et à prendre place dans sa voiture anglaise ou dans sa jeep américaine de location pour s’en aller rédiger, une demi-heure plus tard, attablé au bar de l’hôtel réservé à la presse, devant un whisky ou un bon verre de bière de qualité, un article sur “les survivances du nazisme en Allemagne”.
Elle est bien sûr exacte, à sa façon, cette image de l’état d’esprit qui régnait en Allemagne en ce troisième automne et que ce journaliste, et bien d’autres, ou des visiteurs étrangers de façon plus générale, ont colportée de par le monde et ainsi contribué à faire sienne. On demandait à des Allemands qui vivaient dans des caves s’ils vivaient mieux sous Hitler et ces Allemands répondaient : oui. On demande à quelqu’un qui se noie s’il se portait mieux quand il se trouvait sur le quai et il répond : oui. Si l’on demande à quelqu’un qui n’a que deux tranches de pain par jour pour se nourrir s’il vivait mieux quand il en avait cinq, il y a fort à parier que l’on obtiendra la même réponse. Toute analyse de l’idéologie du peuple allemand en cet automne de privations (dont les limites doivent naturellement être elles aussi reculées dans le temps afin d’englober le présent, dans la mesure où ces formes accentuées de détresse et de misère sont toujours d’actualité*) sera entièrement fausse si elle ne réussit pas à donner simultanément une idée suffisamment corrosive du milieu et des conditions de vie que les sujets analysés se sont vu assigner. Un journaliste français bien connu pour son talent et plein de bonnes intentions m’a, au nom de l’objectivité, invité à lire les journaux allemands au lieu d’aller inspecter les logements allemands et renifler les marmites allemandes. Cette façon de penser n’est-elle pas celle qui prévaut dans une large part de l’opinion mondiale et n’a-t-elle pas conduit M. Gollancz, l’éditeur juif de Londres, au retour de son voyage en Allemagne à l’automne 1946, à estimer “les valeurs de l’Occident en péril”, ces valeurs qui résident dans le respect de la personnalité même si cette personnalité s’est aliéné notre sympathie et notre compassion, c’est-à-dire notre aptitude à réagir devant la souffrance, que cette souffrance soit méritée ou non ?
On entend des voix qui disent que tout allait mieux jadis mais on les isole de la situation dans laquelle se trouvent ceux qui les élèvent et on les écoute de la façon dont on écouterait une voix venant de l’éther. On appelle cela de l’objectivité parce que l’on n’a pas assez d’imagination pour se représenter cette situation, et même parce que, pour des raisons de bienséance morale, on se refuserait à faire usage d’une telle imagination sous prétexte qu’elle fait appel à une sympathie excessive. On analyse ; mais en fait c’est du chantage que d’analyser les idées politiques d’un affamé sans analyser en même temps sa faim.


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bunee Écrit le : 04/07/2006 13:57


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Kim Yu-Jong -- Une averse

Kim yu-Gong traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noel Juttet
Zulma, « Dilecta », août 2005, 148 pages
ISBN 2-84304-314-X

Ce recueil de nouvelles, d'une écriture attachante, poétique, vive, contrastée comme le souligne Aussenac, se caractérise selon ce dernier par Un style résolument moderne.

Résolument moderne, je n'irais peut-être pas jusque là, mais il est vrai que la lecture des neuf nouvelles laisse difficilement croire que l'auteur est un écrivain du début du XXème siècle.

Celui-ci nous peint d'une façon à la fois triste, cruelle et tendre, l'univers des paysans coréens des années trente, où dominent La rudesse d'une vie fruste soumise aux aléas du ciel, la violence des maris, la perfidie des épouses (Menestret), envisagée avec comme support le couple, cette désastreuse entreprise.

La misère grouille et dévore les êtres qui s'efforcent d'aspirer vainement à une vie meilleure. Les paysans se saoulent et battent leur femmes, les femmes volent, mentent et se soumettent... Parfois au coin d'une page ressurgit un regret, une tendresse, un sourire ... qui ne font présager que chagrin et desespoir.

Ils ne devraient plus oser croire, mais pourtant ils espèrent.

Le bonheur ne semble réservé qu'aux riches.

Une averse nous montre un homme voulant Ă  tout prix, pour gagner au jeu et monter Ă  Seoul, que sa femme lui trouve deux Won et cherchant Ă  ignorer _ sans vraiment y parvenir _ les moyens par lesquels elle parviendra Ă  les lui obtenir.

Automne nous narre une vague arnaque où la femme qui est vendue l'équivalent d'un boeuf s'enfuit de chez l'acquéreur pour rejoindre son époux initial.

Les camélias évoquent la naissance féroce d'une idylle amoureuse entre deux jeunes qui ne cessent de se chamailler par coqs interposés.

La marmite raconte comment un homme qui rêve de s'échapper avec sa maîtresse dépouille sa propre femme mais rentre chez lui la queue basse et un mensonge aux lèvres


C'est l'printemps!
figure un éternel potentiel beau père exploitant autant que possibble chacun des prétendants qui convoiterait l'une de ses filles.

Ma femme met en scène un paysan qui, pour gagner plus et en dépit de la laideur de sa femme, lui apprend à chanter pour devenir une bonne marchande d'alcool

l'Amour conjugal apprend au lecteur combien l'argent, quand il y en a, est réputé arranger les choses entre les épouses légitimes et les maîtresses entretenues par les époux indélicats

La vagabonde, c'est l'histoire d'une confiance trahie par la nuit et par le vol

Ces nouvelles, toutes émaillées de pluie ou de neige, se caractérise par un accent sombre où la desillusion sanctionne le moindre rêve que les paysans peuvent élaborer entre brumes éthyliques et rudesse des travaux des champs.

La dernière, canicule, se distingue non seulement par le manque d'eau mais également parceque c'est celle qui est par essence dramatique.

Comme le souligne d'ailleurs l'article de P.Menestret, Il n’y a que face à la mort que les personnages se résignent, acceptent le destin tragique de la condition d’homme, car, en fait, jamais les rapports violents qui s’exaspèrent entre les personnages au fur et à mesure que l’histoire avance, ne débouchent sur une fin dramatique. Le soufflé retombe, on se réconcilie subitement juste au moment où on allait commettre l’irréversible. Nous sommes dans la farce et non dans le tragique. L’homme passe de la violence à la tendresse envers sa femme comme le ciel passe de l’orage au soleil. Les catastrophes naturelles comme le meurtre sont des exceptions. L’instinct de survie et la débrouille reprennent leurs droits.

J'ai personnellement beaucoup aimé.

Courte citation

QUOTE
    Personne n'ignorait qu'il Ă©tait capable de choisir les cartes gagnantes les yeux fermĂ©s. Il se rĂ©jouissait Ă  l'idĂ©e qu'il allait se prĂ©cipiter lĂ  bas oĂą on jouait, et qu'il allait rafler toutes les mises. Il se sentait fier de son habile savoir-faire.
    -Tu y as jamais Ă©tĂ©, Ă  SĂ©oul?
    Fier d'y ĂŞtre allĂ© une fois, et afin de souligner sa question, il secoua le bras sur lequel reposait la tĂŞte de sa femme. De nature impatiente, il aurait aimĂ© prĂ©parer leur dĂ©part sur-le-champ. Mais quelque chose l'ennuyait: c'est que celle qu'il avait Ă©pousĂ©e, en vraie fille de la campagne, allait avoir du mal Ă  s'adapter lĂ -bas et risquait bien de se faire montrer du doigt. d'oĂą la nĂ©cessitĂ© de lui donner des leçons de maintien sur plusieurs chapitres.
    Il fallait, d'abord, qu'elle fasse attention Ă  son patois. Les paysans montĂ©s Ă  SĂ©oul se faisaient moquer Ă  cause de leur accent. On les traitait de pĂ©quenots. Il ne fallait pas dire "faisez" mais "faites", etc., ni accentuer lourdement la fin des phrases. Dans la rue, si elle avait l'air d'hĂ©siter, ça voudrait dire qu'elle venait de la campagne: alors, elle devait marcher vite, regarder droit devant elle, ne pas laisser traĂ®ner ses regards ...
    Elle rĂ©pondait "Oui oui", d'une voix d'oisillon, Ă  chacun de ces impĂ©rieux prĂ©ceptes. Pendant plus de deux heures, il discourut de la sorte, attirant son attention sur mille choses, sur les moeurs de SĂ©oul, sur les usages Ă  respecter, tels que lui les concevait.



Critiques:


Article de D. Aussenac
Article de P. Menestret
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bunee Écrit le : 26/06/2006 8:48


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John Irving - Une veuve de Papier


titre original - A widow for one year
ISBN 2-02-041641-7
Editions du seuil, avril 1999
Collection points - 650 pages

Unanimement salué par la critique comme au moins aussi divertissant que Le monde selon Garp, Une veuve de papier a en effet de nombreux points communs avec celui-ci - même si personnellement je pense qu'il ne le vaut pas.

Dans Le monde selon Garp je trouve les personnages et l'analyse de leurs relations beaucoup plus approfondis, l'atmosphère angoissante beaucoup plus imprégnante, et l'histoire elle-même plus inattendue.

Une veuve de papier reste néanmoins un excellent ouvrage. Le fil de l'intrigue est on ne peut plus cohérent, les personnages très bien traités, et la progression du récit parfaitement orchestrée.

On trouve dans l'histoire des thèmes affectionnés par Irving: les prostituées, le rôle de l'écrivain, le rapport entre réalité et fiction, le lien Mère - Enfant, l'affection d'un homme envers une femme plus agée ...

L'organisation des chapitres est également très judicieuse: on s'attache successivement à chaque personnage (la plupart d'entre eux sont écrivains ou journalistes) à une période de sa vie, le récit étant à chaque moment narré de leur point de vue.

Ted, Marion, Eddie, Ruth, Hannah .... Autant de tranches de vie s'entrecoupant. Notons au passage l'entremélange de la "vraie vie" et des extraits des oeuvres des personnages (le matelas pneumatique rouge et bleu par ex.) : quand la réalité dépasse la fiction ...

Eté 1958.

Ted, un écrivain pour enfant, et son épouse, Marion (très belle femme) ont subi une tragédie: la mort de leurs deux fils (Tom et Tim). Marion ne s'en est jamais vraiment remise, trainant avec elle sa peine et son desespoir. Ted lui, boit et trompe sans vergogne son épouse - tourbillon de plaisirs charnels qui débutent invariablement par une séance de dessin.

Pour tenter de reconstruire leur couple ils ont eu une fille, Ruth - qui va commencer a grandir dans l'ombre de ses frères disparus. Fille unique partageant ses parents avec des fantômes, elle finira par connaître ses frères disparus mieux que ses propres parents.

Le couple de Ted et de Marion va très mal. Ted fait venir chez eux Eddie, un jeune de 16 ans, fils d'un prof d'anglais au pouvoir soporifique insoupçonnable, afin que celui-ci devienne officiellement son assistant. Le motif réel de cette venue est une manipulation de Ted qui est persuadé que sa femme va succomber aux avances d'Eddie - et qui compte monter un dossier à charge contre elle en cas de divorce afin de conserver la garde de Ruth. La relation amoureuse naît, presque incestueuse (Eddie ressemble à un des fils disparus et a 20 ans de moins que Marion).

Ete 1958, Marion a peur de perdre ceux qu'elle aime - de perdre une troisième fois un enfant, elle refuse donc de s'attacher à eux. Elle part après les oies sauvages et quitte mari, amant, maison et enfant.

Ruth devient écrivain à succes. Elle est anxieuse, n'a que de déplorables petits amis, joue au squash sans réussir - ultime défi - à vaincre son père à domicile. Ecriture. Ses romans, même proclamés comme purement imaginés, naissent forcément de quelque chose de vécu, au lecteur de trouver quoi.

Ruth se compromet dans les quartiers chauds d'Amsterdam (pour les connaisseurs: Oude Kerk - la vieille église - dans le quartier de la lanterne rouge) où elle fréquente le milieu des prostituées (celui-ci va contribuer à l'ui inspirer son prochain roman).

Elle rentre aux US, apprend le suicide de son père, se marie en dépit de la sentence d'une lectrice aigrie autoproclamée veuve pour les restant de ses jours.

Elle a un fils - et va découvrir la puissance de l'amour maternel. Le chagrin de la perte de l'être aimé va la rapprocher de sa mère. Mais elle restera veuve une année, puis repartira dans le monde.

Eddie quant à lui est devenu un écrivain moyen dans une vie moyenne. Attiré uniquement par les femmes plus agées il cultive l'amour de Marion de façon inlassable pendant trente ans -- jusqu'au retour de l'être aimé.

Honnêtement je ne suis pas du tout fan des romans qui parlent sentiments - c'est rarement traité de façon satisfaisante à mon goût (trop de pathos, trop de douceur etc).

J'appréhendais cette lecture, à tort au final car la plume d'Irving oscille entre le burlesque et le drame et multiplie les rebondissements, ce qui fait du récit un moment très agréable.

Courtes citations

QUOTE
Une nuit, alors qu'elle avait quatre ans et dormait sur la couchette inférieure de son lit gigogne, Ruth Cole fut réveillée par le bruit d'un couple en train de faire l'amour, buit qui provenait de la chambre de ses parents et qui lui parut tout à fait insolite. Elle relevait d'un gripe intestinale; à entendre sa mère faire l'amour, elle crut tout d'abord qu'elle était en train de vomir.
[...]
A la faible clarté de la lune, et à celle plus faible encore et incertaine de la veilleuse que son père avait installée dans la salle de bain, Ruth vit les visages pâlis des ses frères morts, il y en avait plein la maison, sur tous les murs. Les deux garçons s'étaient tués dans l'adolescence, longtemps avant la naissance de Ruth, longtemps même avant sa conception, et pourtant elle avait l'impression de connaître ces jeunes disparus bien mieux que son père ou sa mère.
[...]
Un enfant de quatre ans pousse des cris perçants.
Ruth fut stupéfaite de la vitesse à laquelle le jeune amant de sa mère mit pied à terre; à vrai dire, il se dégagea de la femme et du lit avec un mélange de panique et de zèle si intense qu'on l'aurait cru propulsé - délogé par un boulet de canon.
Il dégringola sur la table de nuit, et, soucieux de dissimuler sa nudité, prit l'abat-jour de la lampe de chevet qu'il avait cassée. Dans cette situation, le fantôme parut à Ruth moins menaçant qu'elle ne l'avait jugé tout d'abord [...]
Sa mère, encore à quatre pattes sur le lit, manifesta une absence de surprise caractéristique; elle se contenta de considérer sa fillle avec une expression de découragement qui frisait le désespoir. Sans lui laisser le temps de crier une troisième fois, elle lui dit:"Ne hurle pas ma chérie. C'est Eddie et maman, c'est tout. Retourne te coucher."
Ruth Cole fit ce qu'on lui disait, et repassa donc devant les photos, qui lui semblèrent désormais plus fantômatiques que l'amant-fantôme de sa mère, chu et déchu. Tandis qu'il essayait de se cacher derrière l'abat-jour, Eddie avait oublié que l'objet, évidé à ses deux extrémités, offrait à Ruth une vue imprenable sur son sexe en décrue.



QUOTE
Si Ted réussit à finir la journée vivant, il le dut à l'exercice rigoureux et régulier qu'il s'imposait sur les courts de squash, et qui lui conféra un avantage inique. A quarante-cinq ans, il avait une bonne foulée. Il dépassa des rosiers sans casser son élan, et traversa une pelouse, laissant bouche bée un homme qui passait un aspirateur de piscine.
Il fut ensuite pris en chasse par un chien, fort heureusement petit et poltron: il suffit à Ted d'attrapper un maillot de bain de femme en train de sécher sur une corde à linge et de le lui faire claquer au nez pour mettre en déroute ce pleutre animal. Bien entendu, plusieurs jardiniers, bonnes et ménagères se mirent à lui hurler aux oreilles; celà ne l'empêcha pas d'escalader trois barrières et un mur de pierres assez élevé, en ne piétinant que deux parterres.
Et il ne put voir la lincoln noire de Mrs Vaughn couper le coin de Gin Lane vers south main street, où elle emboutit un panneau routier dans son acharnement. Ce fut par les fentes d'une palissad ede Toylsome Lane qu'il aperçut le véhicule d'un noir de corbillard filer parallèlement à lui. Ted traversa deux pelouses, une cour pleine d'arbres fruitiers et quelque chose qui ressemblait à un jardin japonais - où il marcha dans un bassin de poissons rouge peu profond, trempant ses chaussures, et son jean jusqu'au genou.
[...]
Mais elle ne l'avait pas vu, il venait de la semer.


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bunee Écrit le : 12/06/2006 14:29


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Evgueni Zamiatine - Au diable Vauvert

(c'est plus de la review, c'est du flood ^^)

Zamiatine est un écrivain à contre sens mais à la plume bourrée d'images contrastées et vivantes.

Il est de ceux dont quelques lignes suffisent à créer un univers à la fois proche et lointain, à la fois cruel et tendre, ironique et truculent, où les scènes se succèdent de la même façon qu'ont le visage des enfants à passer du rire aux larmes.
L'auteur a déjà un parcours particulier. On le connait un peu plus pour des récits comme La caverne, L'inondation... Zamiatine a souvent été considéré à l'étranger comme un nouveau Gogol, mais il a été curieusement très mal considéré par les autorités de son pays: censuré par le régime tsariste pour ouvrages licencieux, il l'a été par les autorités soviétiques pour non conformité aux courants littéraires propagandistes du moment.

Au diable vauvert (suivi d'Alatyr), censurés et écrits à des périodes agitées politiquement, ressurgissent, et c'est bien smile.gif

Au diable vauvert
conte la vie d'une garnison de soldats russes quelque part sur une île située sur la frontière sino russe, entre 1892 et 1914. Ces hommes, que l'auteur décrira tous de façon amusante, attachante, ou caricaturale vivent ensemble (ne ratez pas le passage du Mozart de la pomme de terre, un général grenouillant et bedonnant et celui du club des lancepoupes), se saoûlent, content fleurette avec les quelques femmes d'officiers, guettant l'ennemi qui ne vient pas, cernés par une étendue d'azur et par l'ennui qui rampe comme une brume nocturne.

Un pianiste, déçu par ses espoirs civils, se joint à la troupe. La nouvelle nous montre l'enlisement progressif de son individualité dans le naufrage collectif. Au départ effaré par ces braillards enflés d'alcool, amoureux et déçu, il se laissera tendrement happer et bercer par les bras de "la douce mère ivresse".

Alatyr, nom d'une pierre magique qu'on retrouve traditionnellement dans les contes russes, est ici une ville imaginaire devenue inféconde où les demoiselles cherchent à se marrier. Un jeune poête ascendant laideron devenu fonctionnaire 14ème rang s'éprend de Glaphira, fille de commissaire, qui est elle même amoureuse d'un prince que convoite une charogne.

Vaudeville et quatuor amoureux, personnages hauts en couleurs, attachants, ridicules, pitoyables, aux rimes boiteuses et à l'esperanto hasardeux, et là aussi, toujours cet individu déçu qui se perd dans la foule.
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bunee Écrit le : 12/06/2006 14:27


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Peter HOPKIRK -- Bouddhas et rĂ´deurs sur la route de la soie

(Foreign devils on the silk road)

Je vous recommande vivement cet ouvrage qui, outre la qualité de la rédaction et de son récit (entraînant et vraiment passionnant), vous emporte sur les pistes qui parcourent le Taklamakan, longtemps resté l'une des dernières terra incognita de ce monde, où l'hostilité conjuguée du sable et du vent fait penser à l'enfer tartare de Simbad le marin.

Les déserts sont peuplés d'esprits et de démons - c'est du moins ce que soutenait Marco Polo une fois passées ces immensités désolées jadis prospères.
Oasis luxuriantes, bastions commerciaux ou militaires, cités bouddhiques ont sommeillé des millénaires sous les dunes tour à tour silencieuses et mugissantes.
L'auteur, après nous avoir retracé brièvement l'histoire de la route de la soie, itinéraire allant de la Rome antique à la Chine en passant notamment par la Perse, évoque les riches heures des cités perdues du Taklamakan.

Il nous raconte ensuite comment l'une des plus vastes courses à la découverte archéologique a pu s'engager, l'enjeu scientifique se doublant d'une rivalité politique entre les grandes puissances du moment: Empire britannique, Allemagne, Russie, le Japon émergent, les Etats Unis, la France et la Suède ...

Tous ont lancé des expéditions en vue de s'approprier / d'étudier quelques un des trésors artistiques et historiques avant que les chinois ne réagissent et "ne claquent la porte" quelques temps après la révolte des boxers.

Suivez les pas de Sven Hedin frôlant la mort, les espions du Comte Otami combattant la variole, Stein affrontant les tempêtes, Van Le Coq prélevant d'immenses fresques à la scie, visitez avec Pelliot la bibliothèque secrète de Touen Houang, et Langdon Warner tentant de restaurer les peintures vandalisées par les russes blancs en exil.

C'est fantastique de mystère, de nostalgie et de poésie, il y a des milliers de choses à apprendre sur l'histoire de l'art, c'est enthousiasmant et au fond ça donne vraiment envie de se lancer à l'assaut des chemins.

Un vrai régal.
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bunee Écrit le : 12/06/2006 14:24


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Robert Hasz -- La forteresse

Un gros coup de cœur pour ce récit se situant à mi-chemin entre le réel et l’onirique.

L’époque et le pays où tout se déroule ne sont pas précisément identifiables.

On sait que c’est une période contemporaine : ça se passe après la course aux étoiles, les protagonistes sont en jean et pull-over etc. ; et on imagine volontiers un pays de l’Europe de l’Est : on y cuisine du poulet au paprika, le règne est celui d’un maréchal... (En fait, ex-Yougoslavie).

Dans ce pays imaginaire on a un accès à la mer. D’ailleurs, comme beaucoup d’images dans ce livre, ceci est utilisé de façon très symbolique puisqu’il évoque de façon récurrente l’évasion, l'incertitude des horizons et l’infini sans retour. L’image du miroir comme porte secrète (vers soi-même, le passé ou vers le cœur de l’énigme) est aussi régulièrement présente.

Mais peu importe de mettre un nom et une date précise c'est au final très secondaire.

L’auteur raconte l’histoire de Livius, brillant étudiant en lettres à l’université, orphelin de mère, confronté à l’hermétisme d’un père diplômé d’histoire (le lien présent-passé marque énormément le personnage) ainsi qu'à des secrets de famille révélés au fur et à mesure du déroulement du fil narratif.

Livius fréquente une famille du même village, dont deux filles, Cécilia et Antonia font naître en lui des sentiments plutôt flous. Leur mère, Maria-luisa, voit déjà en ce jeune homme un gendre responsable tandis que leur père, Fabrio, un marin bedonnant se pose comme une figure plus sensible et plus compréhensive – plus complice, une autre image paternelle.

La relation Père – fils est analysée de façon soignée. Le père biologique s’éloigne peu à peu tandis que le père affectif se rapproche.

De même les relations sentimentales sont finement décortiquées, l’image de la femme est tantôt celle de la mère (la mère tendre qui appartient au souvenir, la mère intimidante et fascinante de Cecilia et Antonia) tantôt celle de l’amante (la femme tendre, la femme révoltée) ou encore celle de la fille.

Livius abandonne l’université et demande à être mobilisé entre autre par besoin d’éloignement. Affecté d’abord à Negrov, il se trouve muté, 15 jours avant sa démobilisation, au sein d’une garnison isolée au bout du monde, dans une immense forteresse qui fait figure de piège.

Il n’a jamais rien vu de tel. Une discipline militaire réduite à sa plus simple expression, pas d’armes, des repas qui n’ont rien à voir avec les rations classiques.

Mais il y a quelque chose qui cloche.

La forteresse est Hors du monde, dirigée par un colonel dont l’obsession est d’obéir à l’Ordre dont personne ne connaît l’origine. Ennemis invisibles, dont on remet en cause l’existence, rêves et hallucinations ont comme sources, selon les explications et les théories que chacun élabore, soit Dieu, soit les Extraterrestres, soit l’ennemi qui diffuse un gaz neurotoxique.

Les souvenirs ressurgissent de façon soudaine et se mêlent au présent, créant une sorte de nouvelle réalité. Ici les hommes rêvent les yeux ouverts. On perd la notion du temps, on ne sait plus ce qui relève du rêve ou de la réalité, et la seule chose qui vous rattache à la vie devient justement le souvenir. Présent et Passé sont inextricablement emmêlés – une atmosphère parfois nostalgique, désespérée, ou encore résignée se dégage au fil de la lecture.

La forteresse semble être un tombeau, une expérience immense où ceux qui perdent pied entrent dans des délires paranoïdes et imaginent la dislocation du monde extérieur (sans doute comme reflet de ce qui se passe au sein de la forteresse).

Une énigme. Là aussi l’image revient souvent. Voir ce qui se cache derrière. Le mur, les apparences, le miroir, le jardin, les portes, le bout du tunnel, l’horizon, la forêt, la montagne … autant d’inconnus revêtant le masque du quotidien et anesthésiant l’individu.

Une fois le livre refermé, on reconstitue tout le puzzle et l’œuvre prend, avec un goût amer, une dimension sociale et politique, analogie pouvant facilement être faite avec les incertitudes des sociétés contemporaines.

Certains personnages et l’idée de base (garnison hors du monde) rappellent le Diable Vauvert de Zamiatine (le cuistot Prudonoff fait penser au Mozart de la pomme de terre qu’on retrouve chez Zamiatine, le bègue Fedor rappelle le malheureux ivrogne-père-malgré-lui) des personnages tantôt truculents et pathétiques, mais en beaucoup plus noir et cruel chez Hasz.

Courtes (?) citations :

QUOTE
« Le maréchal était mort cette année-là. (…) Il était mort au début de l’été (…) la foule en sanglot dans les rues , les grandes personnes pleurant sur l’épaule l’une l’autre, la voix étranglée des journalistes à la télévision, la musique funèbre à la radio du matin au soir. Puis les funérailles grandioses, le regard assombri des chefs d’Etat étrangers, le cortège militaire, le cercueil sur un affût de canon. C’est tout un monde qu’on avait inhumé. »


QUOTE
« Et voilà, pensa Livius, comme tout était simple avec le recul. Trente secondes. Peut-être même pas. Il avait suffi de quinze secondes pour récrire son destin, tendre la main pardessus la table, prendre un stylo à bille dans la poche de l’employé stupéfait et apposer sa signature au bas de la demande manuscrite. C’est tout. Quinze secondes. Mais le plus dur restait à faire.

Il n’attachait pas grande importance à l’opinion de son père, depuis que sa mère n’était plus, celui-ci ne s’intéressait qu’aux livres. Grecs et Romains. Perses et Phéniciens. Les Lycurgue et les Solon, les Xerxès et les Miltiade, bâtisseurs de cités et démolisseurs… Livius était pris de dégoût rien qu’en évoquant le bureau de son père, les innombrables volumes épais et poussiéreux qui envahissaient tout, le sol, la table, les étagères, le tapis même, en piles mouvantes telles des dunes dans le désert. Le seul point stable dans cette pièce semblait être son père, sa silhouette noire recroquevillée derrière le bureau, la tête soutenue par le bras gauche – le coude reposait sur la table -, saisissant les pages entre le pouce et l’index de la main droit afin de ne pas rompre le contact physique et mental avec les glorieuses chroniques des temps anciens. Il semblait être un douanier du passé, nommé par Dieu sait quelle impossible administration avec l’absurde mission de lire et de relire inlassablement les chroniques de l’histoire, d’être constamment sur le qui-vive, afin qu’aucun auteur redevenu depuis longtemps poussière, échappant aux yeux vigilants du présent, ne glisse en fraude entre les lignes jaunies une idée jusque là passée inaperçue. Non il n’avait rien à craindre de son père. Tout au plus marmonnerait il quelque chose sur l’irresponsabilité, l’ingratitude des enfants, peut-être hocherait il aussi la tête. Puis il passerait à autre chose. Il ne permettrait pas que la terne et décevante réalité jette en lui une ombre sur les idées du passé. »


QUOTE
« Il n’y a pas très longtemps, papa Fabrio avait déclaré (…) que si le Seigneur avait créé la femme au coté de l’homme, c’est uniquement pour que celui-ci reste constamment vigilant. Afin que son esprit ne devienne pas paresseux. Que quelqu’un lui ouvre les yeux quand il croit que tout est parfaitement en ordre autour de lui. Puisque tout est issu du chaos et retournera au chaos. La paix ne peut être que transitoire. Il observait toujours le visage de la jeune fille. Ce n’est plus son visage, pensa-t-il. Ce n’est pas le visage que j’aimerais me rappeler. (…) Le visage anti-idéal d’Antonia. La déesse-enfant en colère. Mais qui est-elle en réalité ? »


QUOTE
« Le chef Prudonoff descendit de la caisse de pommes et s’engagea entre les tables. Avec sa veste blanche, ses bras légèrement écartés comme un ange aux ailes flétries et déplumées, son regard extasié sous la toque de cuisinier, et la démarche incertaine convenant à tout cela, ou plutôt le complétant, y mettant la dernière touche, sa gigantesque personne semblait parfaitement grotesque à Livius, il le trouva trop ridicule pour concevoir que personne n’éclatât de rire. A l’exception de Pungarnik qui ricanait d’un air goguenard à coté de lui, et de Blinka, encore que son visage trahît qu’il avait envie de hurler de rage.

- Le Témoin est ici parmi nous, dit lentement le chef cuisinier, parmi vous. Il va nous dire ce que nous devons savoir, ce que la Compagnie des Elus sait déjà. Je demande au Témoin d’annoncer la parole ! Levez vous et témoignez !

Les hommes regardaient autour d’eux en clignant des yeux avec excitation, Livius cherchait aussi à voir de qui parlait le chef, quand celui-ci s’arrêta soudain devant leur table en pointant le doigt sur lui :

- C’est à toi, lieutenant Livius Maxim, tonna-t-il, que je demande de témoigner du Jugement Dernier !

Tous les yeux se fixèrent sur lui. Le souffle coupé, il regardait le chef comme s’il le voyait pour la première fois.

- Eh bien, ils t’ont repéré, lui souffla Pungarnik. »
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bunee Écrit le : 12/06/2006 14:19


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( ça faisait longtemps que je n'étais pas venue poster ici ^^)

JBB de Lesseps -- Le messager de Laperouse

Vous connaissez sans doute l'expédition de Lapérouse qui fut envoyée de Brest en 1785 par Louis XVI afin de découvrir des terres nouvelles.
Après deux ans de navigation, la boussole et l'astrolabe, les deux frégates, sont parvenues à aborder dans le Kamtschatka.
De Lapérouse, responsable de l'expédition, a alors chargé Jean Baptiste Barthélémy de Lesseps (oncle de Ferdinand) de ramener en France, par voie de terre, tout un tas de notes et de dépêches. De Lesseps arrivera a Versailles en une année seulement, tandis que les frégates de l'expédition seront perdues à jamais dans le Pacifique.

Qu'est ce que ce livre?

Une fois de retour en France, et sans nouvelle de l'expédition, de Lesseps publia en 1790 le récit assez impressionnant de son périple qui l'amena au travers de la Russie et de la Mandchourie jusqu'à St Petersbourg et Versailles.

Ce récit est ici republié, dans sa langue d'origine bien qu'allégée par des "ais" substitués aux "ois". Par contre les lieues, les verstes et les lustres fleurissent à chaque coin de page et la structure de l'écriture est rigoureusement classique, le style très descriptif (l'auteur n'étant pas ce qu'on peut appeler un écrivain) ce qui peut rendre parfois la lecture fastidieuse.

Mais c'est le prix (finalement très raisonnable) pour partir parcourir les plaines enneigées aux cotés de cet individu extraordinaire et au destin si particulier.

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bunee Écrit le : 22/03/2006 15:58


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Tokyo Ă©lectrique - Nouvelles traduites du japonais par Corinne Quentin

Tokyo respire le charme de ces villes asiatiques aux mille visages où le temporel et le fuyant balaient le monumental et l'immobile. Publié en France et au japon, ce recueil est composé des récits d'auteurs populaires là bas, mais peu connus ici. La traduction pêche à mon goût par un style trop scolaire et insuffisamment nuancé, mais ceci reste un bon moment de lecture.

Muramatsu Tomomi - Yumeko

Une femme mystérieuse fréquente de façon habituelle Le Fukagawa, bar dont les différents clients sont tous plus ou moins amoureux d'elle. Comme la flamme d'une allumette, intense et éphémère, elle disparaît du jour au lendemain. Apparaissent alors des rumeurs quant au passé trouble de Yumeko - l'enfant du rêve. L'histoire est racontée de façon assez drôle, chaque personnage ayant parfois l'air de caricature ou de comédiens dans une vaste pièce.

Morita Ryûyi - les fruits de shinjuku

Deux jeunes étudiants lycéens desoeuvrés et fauchés tuent le temps comme ils peuvent dans une chambre miteuse. La voisine d'en face, (très) jeune prostituée étrangère à la beauté fragile et à la larme facile, attire le regard de l'un d'entre eux qui se met à la photographier de façon quasi obsessionnelle. Ils font un jour connaissance et passent une après midi ensemble. Mais le "protecteur" de la jeune fille ne tarde pas à vouloir récupérer l'argent correspondant au prix de ce temps passé en cette compagnie. La nouvelle est rythmée, touchante, parfois pleine de malentendus et de peurs indicibles.

Hayashi Mariko - Amants pour un an

Une jeune fille de province installée à Tokyo pour ses études ne parvient pas à surmonter le complexe de la jeune provinciale exilée. Elle rencontre un pur "Tokyoïte", brillant cadre commercial, mais dont la petite amie est partie un an à l'étranger. Elle accepte alors une relation à durée déterminée d'une année, quitte à s'éclipser après. Ce récit est plein de rêves décus et d'amertume, mais sans tomber dans le pathos: une certaine distance avec les personnages est maintenue, ce qui permet de souligner leur ridicule à plusieurs occasions.

Hiina Makoto - La tente jaune sur le toit


Mon histoire préférée. Un jeune employé de bureau sans envergure rentre un jour du bureau et voit son appartement minable dévasté par les effets secondaires d'un incendie (id est, l'inondation liée à l'intervention des pompiers). Il se retrouve à errer dans tokyo avec les bagages qu'il lui reste, son ami n'ayant pu l'haberger et s'étant contenté de lui préter son matériel de camping.
Mais où diable trouver un camping à Tokyo? En désespoir de cause le jeune homme s'installe sur la terrasse de l'immeuble abritant ... l'entreprise qui l'emploie. Cette situation provisoire va se pérenniser et on découvre ici comment un citadin reconquiert peu à peu son existence non plus dans, mais au dessus de la multitude urbaine.
Pas mal de rebondissements, belle narration, instants loufoques et fin désopilante d'une neige en plein ciel bleu.

Fujino Chiya - Une ménagère au poste de police

Une jeune maman un peu cruche et malade de peur dans les transports (c'est plutĂ´t gĂŞnant Ă  Tokyo) se voit un jour poser cette colle par sa fille: "C'est vrai qu'il n'y a pas de femme agent dans les poste de police de quartier?"
Cette question se met à germer dans la tête de la mère et à l'obséder à tel point qu'elle se met à épier tous les postes de police de son quartier.
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bunee Écrit le : 13/03/2006 10:05


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Alona Kimhi - Lily la tigresse

Traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz

Etrange et loufoque, jacquette bien space aussi.

Dans ce second roman, Alona Kimhi nous raconte de façon délicieusement burlesque l'épopée tragi-comique d'une femme, lily, hygiéniste dentaire pesant dans les 112 Kg, quittée par son fiancé à cause de son poids, et liée d'amitié avec une ancienne prostituée contorsionniste, Ninouch.

Ninouch est un personnage attachant, mariée à un homme plutot brutal qui a fait fortune grace à un panty anti-cellulite. Elle passe beaucoup de temps avec Lily, quand son mari le lui permet. Un soir, alors qu'une soirée au cirque est prévue, elle se décommande, laissant Lily y aller toute seule. Chemin faisant Lily fait la connaissance de Mikhaëla, chauffeur de taxi, qui l'emmène ... trop tard en raison des mille péripéties qui ont lieu en cours de route.

Par hasard elle découvre que l'administrateur des fauves (accessoirement prof de philo japonais et travesti tatoué) n'est autre que son premier amour, rencontré il y a 12 ans au dessus de l'Atlantique et dont le seul contact s'est résumé à quelques acrobaties ("inoubliables") dans les toilettes de l'avion. Les retrouvailles génèrent notamment une sévère gueule de bois, et lily se retrouve avec à sa charge un bébé tigre offert en guise de cadeau d'adieu.

De multiples évènements vont alors se succéder.

Le roman est rond en bouche, charnel, généreux, très original, parfois franchement comique. Un peu comme un spectacle de cirque avec ses nains, ses trapezistes, ses clowns tristes et souriants. Ouvertement drôle mais laissant s'échapper parfois quelques accents mélancoliques.

Joli dépaysement, d'un bizarre exquis.
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bunee Écrit le : 09/03/2006 19:25


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(+1 pour spoutnik sweet heart) \0/


Philip Roth - J'ai épousé un communiste



Philip Roth nous fait plonger dans un récit à double voix où Murray, vieux professeur d'anglais, relate avec son ancien éleve Nathan l'existence d'Ira dans le tumulte social et politique provoqué par cette immense chasse aux sorcières rouges qu'a été le maccarthysme.

Ira, petit frère turbulent, enfance brisée, rêve américain dans les yeux, a vadrouillé des mines de zinc aux studios douillets des émissions de radio. Il a vécu la crise, c'est un homme pétri de certitudes et encarcané dans la vigueur de ses idéologies. Mais il est libre. Etre libre là bas à ce moment là, c'est risquer les listes noires, les bassesses des ambitieux, et, globalement, c'est se mettre hors la société.

Histoire d'un homme dont la vie privée s'est imprégnée de la même ferveur que celle de ses idées. Trahisons, espoirs, succès, mariage raté, chute.

Les caprices de dame Fortune ...

Le récit est bien construit, aisé à suivre en dépit des nombreuses digressions, les personnages sont émouvants. J'ai épousé un communiste est donc à recommander, mais si vous ne connaissez pas encore l'auteur je vous conseille plutôt La bête se meurt.
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bunee Écrit le : 06/03/2006 21:27


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Sir Concis: C'est vrai qu'il nous offre un très beau voyage.
Qu'est ce que tu as préféré comme ouvrage de Murakami?
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bunee Écrit le : 02/03/2006 6:53


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Murakami - Kafka sur le rivage

Enchanteur.

L'auteur revisite le mythe d'oedipe qui fait ici l'objet d'une étrange prophétie: c'est cette prédiction qu'inflige le célèbre sculpteur (à ses heures perdues tueur de chats dont il vole les âmes afin d'en faire une flute) à son fils Kafka Tamura, agé de 15 ans.

L'adolescent prend la route avec son sac a dos et un peu d'argent liquide, part vers le sud, et atterrit, après quelques rencontres et péripéties, dans une mystérieuse bibliothèque ou travaille un bibliothécaire transsexuel. Parrallèlement on peut suivre l'histoire de Nakata, simple d'esprit, capable de parler aux chats, qui se joint a un jeune routier pour un mission encore indéterminée vers le sud.
Les chemins de vie finissent par s'entremĂŞler Ă©trangement, s'imbriquant les uns au travers des autres, et tout devient enfin Ă©vident . Parfaite illustration d'une quĂŞte initiatique, Ă  la recherche de soi-mĂŞme et des liens qui peuvent nous unir au monde et aux autres.

Ce monde est peuplé d'esprits vivants et de métaphores, nuancé d'absurde et d'improbable, la plume est très belle et troublante, tantôt cristalline tantot terre à terre, c'est une assez fascinante élévation mais qui demande un minimum d'attention

Chaudement recommandé aux fans de littérature japonaise en tout cas smile.gif

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bunee Écrit le : 14/02/2006 14:28


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Jean Echenoz - Ravel

(oui oui comme le compositeur)

Sont relatées ici les 10 dernières de l'existence de l'artiste, médiocre pianiste, chétif et fragile comme un oisillon tombé de son nid, distrait, génial et desinvolte, la gauloise au bec et le costume impeccable.
Son incroyable participation à la guerre de 14-18, son périple à travers l'Europe et les US, de concerts en réceptions, dans un monde désuet et plein de charme.

Touchantes, l'inexorable déchéance et la souffrance d'un esprit désormais étranger au corps qui l'héberge. Insomnie, ennui, il vacille, détaché de la trépidance du monde.

Le roman est court mais très dense, l'écriture délicate et pleine d'images.

Vraiment très bien à lire.

Pour plus d'infos ... Allez vous promener par lĂ 
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bunee Écrit le : 14/02/2006 6:52


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(bon j'ai mis du temps pour celui-lĂ  mais j'ai eu des foules de choses Ă  faire)

TC BOYLE - 25 histoires de mort

25 contes à la fois réalistes et macabres, grinçants et vitriolesques à souhait, qui s'enchaînent à un rythme effréné.

On y voit un ex-taulard embauché dans une clinique du middle-west dédiée à l'avortement, un touriste au Mexique ivre mort amoureux d'une boxeuse, un ex-punk paumé en pleine guerre civile sud américaine, des vieux perclus d'arthrose, des vendeurs d'alarmes jouant sur les peurs des gens, un pacte avec quelqu'un qui fait penser au diables, des familles paranoïaques s'enfermant dans des bunkers à vocation post-fin-du-monde ....

Nouvelles écrites comme autant de flirts avec la faucheuse, American way of life gravé façon eau forte, c'est excellent à lire, même si le style - drôle et méchant - est à mon avis plus accessible mais nettement moins brillant que celui de David Foster Wallace (voir ci dessus n° 14).

T.C. Boyle est également l'auteur du Roman América qui avait eu un beau succès il y a quelques années.

Avis aux amateurs!

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bunee Écrit le : 20/01/2006 23:58


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(pas de raison pour que je vous Ă©pargne)

Charles Dantzig - Dictionnaire égoïste de la littérature française

L'avantage avec ce genre d'oeuvre c'est qu'on peut le lire à son temps, selon son humeur et en commençant à l'endroit où on préfère.
Effroyablement conventionnelle, j'ai commencé à compulser les entrées commençant par "A" (Original n'est-ce pas?). Et puis le reste est venu très vite, en dépit du nombre plutôt important de pages 962 pages pour être précise. C'est très relatif, et ce nombre pourra sans doute paraître à certains dérisoire, mais ça fait quand même un bouquin suffisament épais pour ne rien avoir à envier aux vieux grimoires).
J'ai trouvé ça excellent ( c'est un terme redondant chez moi). L'auteur nous offre un panorama du paysage littéraire essentiellement français, sans contraintes d'époques ou de style, on navigue de Bossuet à Yourcenar et Zola, de la notion de Talent aux personnalités des auteurs ("A quoi ressemblent-ils")...

QUOTE
Facile Ă  lire :
On entend parfois: Proust est difficile à lire. C'est faux: ce qui est difficile à lire, c'est Barbara Cartland, parceque c'est très mal écrit. Hélas, les lecteurs sont trop humbles.


C'est original, personnel, l'écriture est scintillante et soignée, un langage soutenu et rigoureux, de très belles pointes d'ironie et c'est au final un régal. Seul petit bémol M. Dantzig a la fâcheuse habitude de nous donner l'âge auquel il a lu les bouquins et à force ça complexe un peu.
C'est très dense et ça nécessite de rester concentré pour lire mais ça a priori tout le monde sait faire.
Vraiment je vous le conseille - il permet entre autres, de découvrir beaucoup d'aspects peu connus de nos auteurs.

Pour vous faire une idée vous pouvez trouver quelques extraits ici.
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bunee Écrit le : 18/01/2006 6:16


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Très très chouette, vraiment smile.gif

(J'adore l'impression qui en ressort quand on regarde l'image sans être bien réveillé, genre des milliers de globes oculaires qui vous fixent)
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