Alors voilà. Il y a des fois où le monde craque et vire au n'importe quoi. Et il y a des fois où ce craquage coïncide avec juste une envie de se faire plaisir. C'est précisément ce qui s'est passé ce vendredi quand mon père a décidé d'acheter une voiture. Ce n'est pas une voiture neuve, c'est une occasion, il y en a pour 27 000 euros hors coûts divers et avariés, et 550 euros d'assurance annuelle. En gros, le coût d'une 407 sans les options, d'une Laguna ou d'une Citroën C5.

Sauf qu'en fait, même si mon père ne rajeunit pas, forcément, il a pas du tout, mais pas du tout acheté ça.

Il a acheté une Mercedes. Il en a déjà eu quatre, ce sera donc la cinquième. Et pas n'importe quelle Mercedes : il s'agit d'un coupé W215, alias le CL 600, de 2001. Alors peut être que ça ne vous parle pas, mais pour ceux qui ignorent de quoi il retourne, il y a juste à savoir qu'en 2001 c'était le modèle qui était le plus en haut du catalogue de Mercedes. C'est toujours le cas à l'heure actuelle avec la nouvelle CL 600 de 2007.

Qu'est-ce que c'est que cet engin ? Pourquoi je vous en parle ? Parce que c'est une boucherie. Une tuerie. Un truc incroyable. Les mots, c'est bien, les photos c'est pas mal non plus, Paris Match a réussi à concilier les deux, pas toujours de façon très heureuse, mais ... ça ne fait pas tout. Il y a aussi les sensations. Ce n'est pas la première fois que je vois cette voiture. Je la connais bien, on l'a rachetée à un très bon ami. On a même fait d'ailleurs une putain d'affaire vu qu'on l'a touché au prix garage. D'après ce que m'a raconté mon pater, il m'a dit que les mecs de la concession Mercedes, qui se voyaient déjà faire une gratte de 15 000 euros minimum en la revandant à un client à qui ils l'avaient déjà promise (hin hin. 0wned.), étaient particulièrement crispés et vexés de voir qu'un tel véhicule leur échappait. Bien fait, vu qu'en plus ils travaillent comme des pieds.

La différence maintenant, c'est que comme elle est à mon père, j'ai pu la conduire, seul, pour savourer l'instant, la mécanique, la sonorité moteur, les évolutions à bas et haut régime.

Et c'est là que ça change tout. Inutile de vous dire qu'on atteint en un claquement de doigts des vitesses aussi inimaginables que prohibées, le tout dans une sonorité de moteur que l'on entend que dans des films. C'est pas une Ferrari, mais c'est à pleurer. Bordel. À ne pas mettre entre toutes les mains. Il faudra que j'aille en Allemagne pour en tirer toute la substantifique moëlle vu qu'en France, ça va pas être possible.

Voilà à quoi ressemble l'engin :





Elle est noire de jais avec des reflets bleu corbeau, chaussée en 18 pouces AMG avec des pneus neufs ou presque (joie !). Deux sorties d'échappement distillent le son du 12 cylindres en V. À bas régime, c'est inaudible. D'ailleurs, la présence du double vitrage filtre tellement le son que quand on appuie sur le bouton en haut du pommeau de levier de vitesse, on se demande si le moteur a réellement démarré. Il faut contrôler le compte-tours.

Et dedans, on trouve l'objet du délit : le fameux 12 cylindres en V de 5,8 litres de cylindrée, 3 soupapes par cylindre, délivrant presque 370 chevaux pour un couple violent de presque 55 mkg. Il y a des turbodiesels plus impressionnants, mais là, on parle de mécanique à essence, noble, atmosphérique. C'est linéaire et progressif au possible, et c'est en dépassant les 3500 tr/min que ça ronronne. Abattre le kilomètre départ arrêté en moins de 26 secondes produit une poussée peu commune qui surprend lorsqu'on est pas habitué, croyez-moi.



Le réservoir contient 100 litres avec lesquels il paraît qu'on peut faire 880 kilomètres. Évidemment il faut être sage parce que "connaissant les V12" dès qu'on tisane un peu, l'addition tourne plutôt autour de 25 litres aux cent, et là, c'est pas la même autonomie. Cela dit, et ça vous le prendrez soit comme un bon point, soit comme un bras d'honneur fait à l'écologie, ce moteur dispose de la technologie ZAS (Zylinder AusSchaltung) qui permet de désactiver un banc de cylindres pour ne plus tourner que sur 6 afin de ... réduire la consommation de carburant et les émissions. Il est vrai qu'en roulant calmement, l'ordinateur de bord indique une consommation inférieure à 10 litres. Y'a plus qu'à voir à l'usage.

Niveau équipement, tout y est, c'est agançant. Phares bi-xénon, démarrage sans clé, suspension à air intégralement pilotée par ordinateur (comme Citroën, mais juste en mieux), radar de distance de sécurité Distronic qui fait freiner la voiture toute seule même en ville à 50 km/h, parfait pour les étourdis, sièges en cuir électriques à mémoire chauffants/réfrigérants et massants - j'ignore s'ils sont fabriqués en Thaïlande- , commande vocale, environ 20 airbags, double vitrage, fermeture assistée de toutes les portes, compteurs à cathode froide, blah blah blah. Seul le combiné GPS accuse un peu le poids des ans. Ca a fait des progrès depuis 2001.







Je crois que ce que cette voiture sait faire le mieux, c'est évoluer en silence, à 30 km/h à un train de sénateur, trimballant sa grosse caisse. Enfin personnellement je trouve ça plus plaisant à faire que de vider son réservoir en 5 minutes.

Et puis il y a l'odeur du cuir. Quand c'est neuf, le cuir, ça sent bon, mais là, il a beau pas être spécialement vieux, il sent vraiment l'odeur du cuir patiné. Ça aussi ça contribue à l'ambiance.

J'ai un sentiment partagé face à cette auto. J'imagine mal conduire cet engin tous les jours. Entre le côté pousse au crime, le gabarit hors normes, la pléthore d'équipements qui confèrent à un véhicule ordinaire le simple rang de cageot à patates, on a vraiment l'impression de vivre dans une autre planète. Je ne parle évidemment pas des consommations de carburant. De toutes manières ça n'a pas vocation à être le véhicule principal à la maison, parce qu'elle a un gros défaut cette 600 quand même : on peut même pas y mettre un flipper ! C'est nul !

L'autre côté, c'est quand même le fait que la conduite prend une autre dimension. Et ça c'est énervant. Mais mine de rien, j'étais content de reprendre mon Audi tout à l'heure, ne serait-ce que quand on démarre d'un stop, on a le temps de voir ce qui se passe entre 0 et 40 km/h. Pas sur la 600. Il doit y avoir une Whatever-Device qui mange des laps de temps tellement ça accélère fort. Il faut actionner l'accélérateur avec douceur. Et ça peut être particulièrement dangereux en ville par exemple tellement on arrive rapidement sur un obstacle, un piéton, un vélo.

C'est un autre monde, en somme. Ce sera parfait pour faire à peine 10 000 km à l'année et sortir les week-ends.

Et pourtant.

C'est rien en comparaison de la nouvelle CL 600. Celle qui vient de sortir, qui fait 517 chevaux, et que j'ai eu l'insigne honneur de manoeuvrer dans la cour. Pour l'instant d'après ce que je sais, il y en a que trois qui ont été livrées en France hors des concessions. Pas pu l'essayer parce qu'encore assurée en WW garage, justement.

La qualité de la finition intérieure, des matériaux, des assemblages, de l'ambiance. Ça dépasse la plupart des standards humains concevables. Des phares bi-xénon d'une lueur incroyable, des cuirs nappa d'une finesse peu commune, des sièges d'un confort que je n'ai jamais vu, éclairages d'ambiance, vision nocturne par infrarouges, deux écrans de contrôle, et je vous en passe. Putain.

Pour vous prouver que je ne mythonne pas, je vous laisse une photo volée depuis ma cour, de cet engin de malheur, garé à côté de mon Audi. C'est moi qui l'ai garée là, dans des feulements de moteurs dignes de Ferrari. Et je suis sérieux. Le bruit, brr. Bordel. La sonorité. @#!



Prix de l'engin : environ 165 000 euros. Essai sur route la semaine prochaine si tout va bien.