Ce week-end a eu lieu à Courcouronnes dans l'Essonne près d'Evry un rassemblement de voitures américaines organisé par l'American Car Club de France, près d'un lac où je ne me suis pas endormi, cependant qu'il y ait eu quelques aigles noirs sous les traits de Pontiac Trans Am. L'esprit voulait que le rassemblement fut réservé aux véhicules de plus de vingt ans, et à l'exclusion des hot-rods ; concrètement, un rassemblement académique.
Le mot d'ordre était donc donné depuis le rassemblement de Saran la semaine dernière où les deux Edsel ici désormais célèbres devaient s'y rendre. C'était l'opération expédition, parce que déjà la semaine dernière c'était la Blanche qui avait quelque détresse à l'allumage. En effet, il avait fallu la ramener d'un pied achiléen, comprennez un pied léger, depuis Saran jusqu'à leur garage. Ce n'était pas une maigre aventure que de tenir en vie le mastodonde de 6,8 de cylindrée quand une des bougies est encrassée. Au programme donc, un savant freinage du pied gauche et une manipulation experte et digitale des boutons de la commande Teletouch sur le moyeu du volant avaient permis de rentrer.
Hier matin donc nous nous rendâmes avec bunee au garage des deux dames de fer. Le propriétaire ainsi que Moutton arrivèrent peu après nous. Nous ouvrons, débâchons, installons. Je m'installe aux commandes de la blanche. Clé de contact sur Start, on sent le démarreur de camion se mettre en action, et les deux quartets sous le capot témoigner de leurs protestations vigoureuses et encalaminées. "Eh ben c'est pas gagné". Rebelotte, et là plus rien du tout. Groumph. Je reboote la voiture (si si) en lui mettant le doigt (sur les boutons de la commande de boîte toujours) et là ça démarre dans un fracas pétrolier. "Bordel, elle sent fort !". Sa maladie n'avait pas disparu et elle tournait toujours de façon bancale, mais comme on dit, s'il manque une patte à un V8, il lui en reste 7 autres non ? 1-5-4-2-x-3-7-8.
Braquons tout à droite, sortons le véhicule. Une fois immobilisée, je récupère la clé pour ouvrir le coffre, mais je sens bien que le ralenti ne tient pas, il va falloir que je lui fasse du pied. La rouge sort, qui elle tourne une horloge (après avoir remplacé une bobine d'allumage fondue aussi c'est normal. tricheuse, je te hais !). Il faut refaire un crochet par la maison de Moutton donc ? Ah. Ca va nous rallonger, mais qu'importe, feel the ride, et nous avons un réservoir bien rempli de pétrole, quoique je savais que ça ne pouvait PAS durer.
Nous y arrivons, après environ une dizaine de kilomètres. Je me gare derrière la rouge et je coupe le moteur. Quelques minutes s'écoulent et il est l'heure de repartir, et je tâche de refaire démarrer l'engin. <Gngngnmgnmgngn>. Rien. Sa race. <GNgngngnngngngnngngn> toujours rien. Je m'apprête à sortir ma bombe de Start Pilote mais on me signifique c'est peut être le papillon d'admission du carburateur Holley quadruple corps qui fait des siennes. Pas bête remarque, dans tous les cas de figure, il faut démonter le Star Trek au dessus du gros V8 qui contient le filtre à air. Ouvrons le capot.
Bèh !
Mais y'a un truc qui fume ! M'enfin !
Passé l'instant d'alarme j'en déduis que ce n'est pas si grave que ça. Ce cuistre de joint de couvre-culasse sur le banc de cylindres de gauche a l'indélicatesse de fuir juste au dessus du fil de bougie du cylindre #6, laissant au démarrage s'échapper ignobles vapeurs remontant d'une soupape à l'étanchéité sûrement douteuse et des giclées d'huile s'échouant sur la pipe d'échappement surchauffée située au dessous, déposant ainsi d'ignobles traces de calamine noire se déposant sur l'infortuné fil de bougie dont la conductivité est désormais compromise au point de désactiver le cylindre en question. Vous ne vous êtes pas étouffé en lisant cette phrase ? Alors continuons
Décision est prise de monter vers Courcouronnes. Chic, de l'aventure, de la vraie, avec de vrais morceaux d'incertitude dedans !
Le convoi se met en marche. Nous prenons la voie rapide, puis la RN 20 en direction de Paris. Le compteur de vitesse sur la blanche ne fonctionne pas, mais comme toute vieille mécanique qui se pilote aux fesses, on en arrive à déduire approximativement la vitesse par un certain nombre de signes visuels et sensoriels, comme les deux lignes d'échappement qui se mettent à guerdiller de concert contre les longerons du châssis arrivé à une certaine vitesse. À vue de fessier donc je dirais quelque chose comme une centaine de kilomètres à l'heure. Et là, première vision d'horreur : l'attraction exercé par le côté gauche de la jauge à pétrole sur son aiguille. Mon dieu mon dieu il ne vaut mieux pas regarder. C'est que ça coule !! Une fuite peut être ? Je soupçonne le cylindre renégat d'augmenter la consommation malgré son non fonctionnement.
Léger crochet à une station service Auchiant ou Carrouf pour étancher la soif de la rouge. Après avoir failli écraser avec mon bateau-lavoir un abruti de cycliste imbécile qui ne se sentait pas concerné par les règles du code de la route en général et par la ligne de ce stop en particulier, je manoeuvre avec difficulté l'engin dans un parking absolument pas prévu pour ces gabarits, et bondé, par dessus le (super)marché.
Repartons. Le restant de la route se produit sans encombres et nous finissons par arriver sur les lieux du meeting intégralement pas balisé, merci les organisateurs, je vous hais, vous sentez le diesel.
Assez de mots, je vous livre les photos fissa. Je sais c'est pas un concours de cadrage, mais bon, pour changer, et la disposition des lieux ne prêtait absolument pas à des mises en valeur imprenables des véhicules, surtout si on prend en considération le fait que des propriétaires aussi insupportables que minables dans leur aptitude à garer leur véhicule ont confondu avec bêtise crasse un rassemblement de voitures de collection avec le parking du Leclerc du coin en tenant absolument à se serrer les uns aux autres, au point de ne plus pouvoir ouvrir sa portière ou de laisser le passage libre. Vous aussi, bande de nazes, je vous hais, et je vous condamne à rouler en Logan.
Une chouette T'bird dont j'ai -sans me vanter- réussi à moucher le propriétaire qui me dit que les Edsels ne pouvaient pas faire 6,8 litres de cylindrée parce qu'il y avait marqué E475 sur le couvre-culasse. "Mais mon bon monsieur, ce ne sont pas des cubic inches, mais des pound-feet de couple. 475 lb./ft de couple produisant environ 640 Nm de couple. Le moteur fait 410 cubic inches soit 6,8 litres de cylindrée." "Ah bon". Heureusement que j'avais révisé
On n'y voit que du rouge, et de saines mécaniques savamment lustrées, je trouve ça chouette.
Packard Clipper 55 verte. J'imagine que vous vous en seriez rendu compte.
Détail d'une superbe Cadillac Eldorado d'un cyan total. Elle était magnifique.
Mon idole, la star du show, THE camion de pompier lustré et rutilant de partout.
Suction, pressure. L'essentiel est là, surtout quand il est question de faire gicler la grosse lance.
Robert. Je dis Robert parce que c'est une Ford, et qu'elle est rouge, et que je n'en sais pas plus à son sujet. Oui oui je sais, je vais aller me pendre dans les meilleurs délais.
Il y en a qui aiment, voire qui adorent, mais moi en fait j'aime pas. Un détail du capot de l'Excalibur (Phaëton III d'après ce que j'ai compris) légèrement entourée de peuple, ce qui explique pourquoi je ne me suis pas attardé à la prendre dans son ensemble. Vaguement inspiré des véritables roadsters Mercedes de la fin des années 30, cette réplique néo-rétro singe la tôle allemande sous des atours de carrosserie américaine avec autant de personnalité que de la Coors ou de la Foster's. (Comment je vais me faire haïr). Vu que je ne suis pas si vache, j'en ai une deuxième image :
(Abnégation ... )
Cadillac, noire, et euh ... joker =) Elle est très belle en tous cas. J'avoue, je suis toujours aussi largué, mais j'assume. Dieu me crame au sans plomb.
Bon ça par contre c'est pas trop dur à deviner. Une magnifique Fiat Punto de euh ... Et merde ! Non je déconne. Ford Mustang of course, nantie d'un chouette cheval qui ne peut renier ses origines yankees.
Alors, pour la marque, on en a déduit avec Trankill (que vous pouvez furtivement entr'apercevoir dans le reflet) qu'il s'agissait d'une Imperial, dont la ligne n'est pas sans rappeller celle de la chevrolet Impala ou des ailes de Studebaker. En tous cas, ses formes sont absolument zinzin (regardez ne serait-ce que la forme de la tôle autour des phares, c'est incroyables), et je vous passe les détails à l'intérieur, notamment la poignée d'ouverture de portes qui ressemble à la commande de flaps d'un Boeing 707. C'est du lourd, c'est du barge, bref, la grande époque.
Et à toute seigneuse tout honneuse vu que cette Ford Edsel Citation 1958 convertible dont vous allez commencer à maintenant tout savoir est sans doute un des modèles les plus rares qui soit vu qu'il n'y en a que 3 en Europe (sur 930 exemplaires produits au total, z'avez qu'à voir).
Voilà ce que j'en ai retenu en images. En terme d'ambiance mais aussi de qualité, de variété et d'originalité des véhicules, ça ne vaut à mon sens clairement pas le meeting de Saran dans le Loiret dont j'avais déjà parlé l'année passée. En plus, là c'était payant (7 €), et même si on pouvait grâce à ce ticket d'entrée qui faisait office de billet de tombola pour gagner un cabriolet américain de 1961, ça a sans doute vacciné un peu de gens. Donc je ne pense pas qu'on refera le déplacement, d'autant qu'il y avait un certain nombre de boulets au volant de modèles dont je ne parlerai pas de peur de faire de la publicité à cette grosse Eldorado blanche. Zut je l'ai dit.
Vint l'heure du retour et de cette crainte ancestrale face à l'incertitude du démarrage d'un véhicule dont la mécanique vous a joué quelques tours. On répète ce qu'on a fait le matin. Clé de contact, démarrage. Le démarreur tourne et le Bendix craque sans que la combustion ne s'amorce. Bordel. On attend un peu, et on retente. Ca recraque et ça ne part pas. Re-Bordel.
J'avais encore Trankill sous la main, donc j'allais avoir besoin de lui pour m'aider à répéter la manipulation. On ouvre le capot, on redémonte le filtre à air pour accéder au papillon. Trankill le maintien en position ouverte et j'actionne le démarreur : peau de zob, ça part toujours pas. La décence m'empêche de vous redire le juron que je poussai, vous ferez fonctionner votre imagination, nonbostant que ce n'est pas mon véhicule
Sortons donc l'arme de la dernière chance : le Start Pilote ! J'ouvre le capot pour me saisir de la bombe de magie. J'explique à Trankill comment ça marche : "Alors, c'est pas compliqué, quand je vais te le dire, tu vas pulvériser de la bombe et moi je vais actionner le démarreur". <Psccchhhh> <GnihihihihiVBROARAOOOOMMrakapett> et ça démarre !! Ha ha bordel je vous raconte pas, elle a pris cher en carbone la pelouse, deux grosses taches de brûlé, bien fait.
Mon mécanicien du moment revisse alors le capot du filtre en place, ferme le capot d'un coup sec pendant que je maintiens en vie le moteur qui tourne toujours bancal. Un monsieur qui passe à côté me sort "dites elles tournerait pas sur sept cylindres votre voiture ?" "Mais carrément que si, on a rendez vous au garage". Il y en a qui ont l'oreille aussi mécanique qu'absolue, ça fait plaisir, quoique même un non initié pourrait entendre que le huit cylindres ne tournait pas aussi rond que ça. En voiture Simone comme on dit.
Premier défi : sortir de là. En effet, une clique de malandrins malotrus n'avaient rien trouvé de mieux que de poser un gros bloc en ciment en forme de coccinelle volé à Robert Deret (le transporteur) vraisemblablement pour empêcher que des véhicules longs, au hasard des remorques de manouches, ne viennent squatter les lieux. Seulement voilà, quand on manipule une Edsel de 5,70 mètres de long sur presque 2 mètres de large, il faut bien tout le compas dans l'oeil d'une bunee pour vous aider à emmainter le mastodonte pour exécuter la manoeuvre périlleuse qui vous fera passer entre ce portail trop étroit en fer forgé d'un vert du plus mauvais goût, façon glaviaud de lendemain de cuite.
Après nous être extraits non sans mal de ce guet apens, nous taillons la route. Fatalement, il a fallu que je me plante, plus concentré sur la musculation de ma jambe gauche par l'entremise du pressage sur la pédale de frein granitique de l'auto que de suivre les pancartes. Parce que peut-être que vous l'aviez oublié, mais quand vous êtes aux commandex d'un char qui dévore quelque chose comme 30 litres de pétrole aux cent kilomètres et qu'il vous reste un tiers de réservoir pour en faire justement environ une centaine, vous flippez un peu gueudin, surtout quand vous avez vu ce que vous avez cramé le matin pour le venir.
Mais je suis joueur, et j'ai convenu avec ma passagère que nous allions la jouer aventuriers. Après avoir retrouvé le bon itinéraire, je décidai de rouler à un train de sénateur, soit environ 75 km/h, pour économiser le précieux carburant. On entendait clairement au bruit du moteur qu'elle était d'accord pour un peu moins dévorer à cette vitesse. En passant Pithiviers, je m'étais tâté pour justement savoir si je mettais du carburant ou pas, vu que la perspective de me retrouver en bingo fuel au milieu des bois ne me réjouissait guère. Et puis finalement, l'aiguille fut de mon côté, et j'ai vraiment pu consommer moins de pétrole que le matin en y allant. J'imagine qu'un certain nombres d'individus entre Étampes et Pithiviers ont du faire de leur volant le pré-casse croûte vu la hâte avec laquelle ils nous dépassèrent quand l'occasion s'en présentait. Deux radars automatiques sur le trajet tout de même, et les passer sans compteur de vitesse opérationnel autre que son fessier est une expérience adrénalinogène, même si ce n'est pas moi le détenteur de la carte grise
Le trajet se fit donc sans encombres mécaniques, excepté peut être quelques pétarades sévères mais somme toutes marrantes lors de levées de pied trop brutales après un dépassement ou une côte, signe que le cylindre défaillant se rappellait à notre bon souvenir.
J'ai pu garer la voiture sans caler, en m'y reprenant trois fois je l'avoue, mais le moteur a tourné sans interruption depuis Courcouronnes jusqu'au garage. Vive le freinage pied gauche. C'était en tous cas totalement décalé et proprement génial à faire même si ça exige une certaine dose de pratique automobile.
En somme, mangez-en, avalez du pétraule à pleins poumons, et vive les V8.